Les petits assemblages d'atomes d'or: clusters et complexes

Figure 1 : Densité d'états intégrée normalisée de l’or massif et de nanoparticules d'or cuboctaédriques de diamètre D compris entre 0.57 et 2.77 nm (Au13 D=0.57 nm, Au55 D=1.08 nm, Au147 D=1.64 nm, Au309 D=2.22 nm, Au561 D=2.77 nm). Les niveaux de Fermi sont alignés à 0 eV. Les courbes présentant des « marches » correspondent à des structures dont les états ne sont pas continus, mais ont une structure électronique de type moléculaire. La transition vers une structure électronique de type métallique (courbe continue) a lieu pour des diamètres de nanoparticules entre 1 et 2 nm. (Copyright N. TARRAT & D. LOFFREDA)
Figure 2 : Structure du cluster Au25(SR)18, Au : rose/violet, S : jaune. Le substituant R n’est pas représenté pour plus de clarté.
Figure 3. Structure du polymère de coordination thiophénolate d’or, [Au(I)(SPh)]n, Au : rose, S : jaune et C : gris. En bas à gauche, photo de ce composé de couleur blanche sous lumière naturelle, caractéristique de Au(I), et à droite, photo du même échantillon exposé sous lumière UV et montrant une émission de couleur rouge.

Les clusters d'or

 

En dessous d’une certaine taille (en général moins de 200 atomes), les nanoparticules d’or présentent des propriétés électroniques, géométriques et physicochimiques complètement différentes des nanoparticules de plus grande taille. En particulier, du point de vue de leurs propriétés électroniques et électriques, ces nanoparticules perdent leur caractère métallique pour ressembler davantage à une structure moléculaire. Cela s’explique grâce à la mécanique quantique lorsque l’on calcule la densité d’états d’une nanoparticule. Quand on mène ce calcul pour des nanoparticules contenant de moins en moins d’atomes, la structure de bande continue, caractéristique des nanoparticule métalliques, se transforme peu à peu en niveaux électroniques discrets comme l’illustre la Figure 1.

Cependant ces « architectures d’atomes d’or » constituées en nanoparticules ne peuvent demeurer stables que si elles sont entourées d’une couche moléculaires de ligands. Parmi les ligands (ou agents stabilisants), on trouve par exemple des molécules thiolées avec différents substituants R (HSR). Selon les conditions de synthèse, divers clusters de thiolates d’or (Aun(SR)m) peuvent être obtenus, par exemple, (n,m)  = (10,10), (25,18), (38,24), (68,34), (102, 44), (144, 60), (333,79). Ces clusters (voir Figure 2) dont les structures atomiques et cristallographiques ont été identifiées et caractérisées par diverses techniques expérimentales, présentent différentes propriétés optiques (par exemple de photoluminescence), magnétiques, et de conductivité électrique. Comme on peut contrôle le nombre d’atomes d’or dans les clusters, cela permet d’étudier finement l’influence de leur taille sur leurs propriétés physico-chimiques.

 

Les complexes moléculaires et polymères de coordination d’or

 

En chimie organométallique et de coordination, l’or du groupe 11 est dominé par le degré d’oxydation +I et aussi +III. L’Au(I), de configuration d10, présente une géométrie linéaire dicoordinée (2 ligands), et l’Au(III), d8, possède une géométrie carré plan (4 ligands), voir Figure 3 en haut.

En catalyse homogène (catalyseurs et réactifs en phase liquide), les complexes organométalliques d’or se sont avérés être très efficaces, notamment Au(I) pour l’activation des liaisons π des molécules à transformer et Au(III) pour son acidité de Lewis. Des réactions de couplage de molécules sont aussi possibles grâce au couple redox Au(III)/Au(I) impliqué dans les cycles catalytiques.

En plus des propriétés catalytiques, des composés Au(I) et Au(III) peuvent présenter une émission de lumière très intense, allant du bleu au proche-infrarouge (Figure 3 en bas). La fabrication d’OLED (Organic Light-Emitting Devices) a montré l’efficacité de l’or comme matériau luminescent et représente une bonne alternative au remplacement des lanthanides actuellement utilisés.

 

 

                                                                                                                                     Aude DEMESSENCE

 

 


 

Pour aller plus loin

·        Atomically Precise Noble Metal Nanoclusters as Efficient Catalysts: A Bridge between Structure and Properties, Y. Du, H. Sheng, D. Astruc, M. Zhu, Chem. Rev. (2020), 120, 2, 526–622. https://doi.org/10.1021/acs.chemrev.8b00726

 

Cyclic solid-state multiple phase changes with tuned photoemission in a gold thiolate coordination polymer, O. Veselska, S. Vaidya, C. Das, N. Guillou, P. Bordet, A. Fateeva, F. Toche, R. Chiriac, G. Ledoux, S. Wuttke, S. Horike, A. Demessence, Angew. Chem. Int. Ed., (2022), 61, e202117261. doi.org/10.1002/anie.202117261

 

·        Reactivity of Gold Complexes towards Elementary Organometallic Reactions, M. Joost, A. Amgoune, D. Bourissou, Angew. Chem. Int. Ed., (2015), 54, 15022-15045. https://doi.org/10.1002/anie.201506271 

 

·        Light-Emitting Self-Assembled Materials Based on d8 and d10 Transition Metal Complexes, V. W.-W. Yam, V. K.-M. Au, S. Y.-L. Leung, Chem. Rev. (2015), 115, 15, 7589–7728. https://doi.org/10.1021/acs.chemrev.5b00074