Les biocapteurs à base de nanoparticules d'or

Comme présenté dans la section Plasmonique et Nanothermique, une nanoparticule d’or peut être considérée comme un concentrateur de lumière, capable de capter une onde électromagnétique propagative pour la confiner dans son champ proche sous forme de plasmon de surface. Ce confinement est très sensible aux variations de l’indice de réfraction du milieu environnant des nanoparticules. Une modification de ce milieu par la présence d’un analyte, que ce soit une molécule ou une protéine, va pouvoir être détectée par l’analyse du plasmon de surface des nanoparticules d’or.

Fonctionnalisation de la surface de l’or

Les nanoparticules d’or sous forme colloïdale ont à leur surface, des molécules stabilisatrices que l’on appelle ligands de surface (Figure 1a). Ce sont des molécules chargées qui, selon le pH de la solution les contenant, vont avoir une charge positive ou négative plus ou moins élevée. C’est ce qu’on appelle le potentiel Zeta, qui traduit la charge de surface d’une nanoparticule (Figure 1b), donc sa stabilité. Généralement, les ligands de surface des nanoparticules d’or sont négatifs, comme ceux composés par des ions citrates ou des ions organophosphorés [1]. Par leur présence dans la solution, une répulsion électrostatique est générée, permettant d’éloigner les particules les unes des autres et donc d’éviter leur agrégation (Figure 1c). La durée de stabilité de la solution colloïdale est directement liée à la valeur absolue du potentiel Zeta.

Figure 1 : a) Nanoparticule d’or stabilisée par des ions citrate (le ligand). b) exemple de potentiel Zeta pour une solution colloïdale d’or stabilisée par du citrate de sodium. Le potentiel Zeta est ici de – 50 mV. L’axe des ordonnées correspond à une intensité du signal mesurée. c) Schéma de la répulsion électrostatique en solution permettant une stabilité dans le temps de la solution.
Figure 2 : (i) Greffage de l’acide mercapto undécanoïque (MUA) à travers le citrate de sodium. (ii) Greffage d’une protéine, ici un anticorps, par son amine sur le MUA par condensation.

 

Pour utiliser des nanoparticules d’or comme biocapteurs, celles-ci doivent être fonctionnalisées pour permettre la fixation des molécules biologiques à détecter (généralement des protéines). Il s’agit de la construction d’une architecture nanométrique fonctionnelle qui se fait généralement en deux étapes :
(i) on utilise une première molécule bi-fonctionnelle contenant à l’une extrémité, une fonction thiol (ou mercapto, -SH) qui a la particularité de se fixer de façon très efficace sur l’or, en passant à travers la couche de ligands ioniques (les citrates par exemple). En effet, la liaison thiol-or est une liaison dite pseudo-covalente de coordination, c’est un cas un peu particulier de liaison covalente dont les deux électrons de la liaison proviennent du même atome, ici le soufre. L’autre extrémité de la molécule contient une fonction acide carboxylique (COOH). La molécule sera de l’acide mercapto-undecanoïque (MUA) par exemple (voir figure 2 (i))
(ii) la deuxième étape consiste à fixer la protéine (anticorps, antigène, phage, enzyme…) à détecter. Celle-ci est un polymère composé d’acides aminés qui présentent à ses extrémités, une fonction acide et une fonction amine libres. C’est la fonction amine qui va pouvoir se fixer par condensation à l’acide carboxylique de la première molécule greffée aux nanoparticules d’or via la fonction thiol (Figure 2 (ii)). L’architecture du capteur étant achevée, celui-ci sera en mesure de détecter un analyte (ou marqueur biologique) « répondant » à l’anticorps greffé.

Les combinaisons de molécules sont extrêmement nombreuses, mais toutes reposent sur ce principe d’ingénierie de surface. Elles doivent être choisies afin de pouvoir détecter sélectivement un analyte tels que des antigènes, des anticorps [2], des bactériophages [3], des cages moléculaires [4] ou des molécules spécifiques, comme la biotine qui se lie fortement à la protéine de streptavidine qui fonctionnalise la nanoparticules d’or [5].

Bio-détecteurs à bases de nanoparticules d’or : des exemples commercialisés

Dans le cas de l’or, plusieurs technologies et modes de détection sont développés et en voici deux exemples qui sont même commercialisés :

1. Les tests de grossesse avec la détection dans l’urine de l’hormone Chorionique Gonadotrope sécrétée par le placenta (hCG) qui est ciblée par des anticorps spécifiques. La présence de cette hormone est validée par immunochromatographie (« lateral flow assay »). Le test se présente sous forme d’une bandelette contenant des réactifs dans un réservoir test. Dans ce réservoir, il y a des nanoparticules d’or fonctionnalisées par des anticorps monoclonaux capables de fixer l’hormone hCG. Les nanoparticules d’or selon leurs formes apparaissent colorées (rouge/rose/violet ou bleu en raison de leur résonance de plasmon de surface localisée (LSPR), (voir section Plasmonique et Nanothermique) mais sont masquées par un cache en plastique. Lorsque de l’urine est déposée en amont de ce réservoir, il y a migration par capillarité de tous les constituants mobiles. L’urine sert alors d’éluant pour les faire migrer sur la bandelette-réservoir puis vers un réservoir de lecture fonctionnalisés par les mêmes anticorps monoclonaux : la ligne de test. Deux cas de figures sont alors possibles :
-       Soit l’urine ne contient pas l’hormone hCG, et dans ce cas, les NP migrent dans le liquide au-delà de la bande de test, jusqu’à sortir de la fenêtre de lecture (Figure 3a),
-       Soit l’urine contient des hormones hCG et dans ce cas, les nanoparticules d’or fonctionnalisées avec les anticorps se lient à l’hormone, puis à leur tour migrent sur la ligne de test fonctionnalisée par les mêmes anticorps qui piègent les nanoparticules d’or liées à l’hormone : une couleur (rouge/rose/violet ou bleu) apparaît alors sur cette ligne (Figure 3b).

Figure 3 : a) test négatif, l’urine ne contient pas l’hormone hCG, les nanoparticules d’or ne se fixent donc pas sur la ligne de test. b) test positif, l’hormone hCG immobilisée sur les nanoparticules d’or, interagit avec les anticorps fixés sur la ligne de test et une bande colorée apparaît.

2/ Le même principe a été appliqué plus récemment pour le dépistage du SARS-CoV-2. Dans ce cas, c’est la protéine de nucléocapside NP (associée au génome de l’ARN viral), preuve de la présence actuelle du virus dans les voies respiratoires, qui est recherchée après prélèvement nasopharyngé.

Le type de détection décrit ci-dessus utilise l’interaction de la lumière avec les nanoparticules d’or pour colorer des bandes de test. D’autres types de détection utilisent le fait que la longueur d’onde de résonance plasmon donc la couleur observée, est dépendante du ou des milieux diélectriques environnant le l’or nanométrique [6]. En effet, la présence dans le champ proche de protéines ou d’autres molécules d’intérêt modifie l’indice de réfraction du milieu et donc modifie la longueur d’onde de résonance du plasmon de surface et finalement sa couleur.

Le cas de l’or nano sous forme de couche mince

L’or nanométrique ne se présente pas nécessairement sous forme de nanoparticules, mais peut être également sous forme de couches minces d’épaisseur nanométrique. C’est le cas des surfaces d’or nanométriques présentes dans les biocapteurs utilisant la technologie SPR (« surface plasmon resonance »).  Dans ce type de capteurs, une couche mince d’or est déposée sur un substrat transparent d'une petite cellule d'écoulement où le liquide à analyser, une solution aqueuse contenant l’analyte, est injectée sous flux continu. Pour détecter l’analyte, la surface d’or est fonctionnalisée par un anticorps ou autre ligand approprié, de la même manière qu’expliqué précédemment (Figure 4a). La réflectivité de la couche d’or nanométrique s’atténue à un certain angle, appelé angle de Kretschmann (Figure 4b). La valeur de cet angle est très sensible à l’indice du milieu et son suivi dans le temps permet de l’utiliser comme capteur biologique.

Lorsque l'analyte se lie au ligand, son accumulation à la surface de la couche mince d’or entraîne une augmentation de l'indice de réfraction, c’est la phase d’association (Figure 4c). Ce changement d'indice de réfraction est mesuré en temps réel par modification de la réponse plasmonique de l’or et les résultats sont tracés sous forme d'unités de réponse ou d'unités de résonance (RU) en fonction du temps (un sensorgramme). Lorsque les analytes se détachent des anticorps, c’est la phase de dissociation. Les cinétiques relatives à ces deux phases donnent ainsi accès à la constante d’affinité entre l’analyte et l’anticorps [7].

Figure 4 : a) Schéma de principe d’un capteur SPR. Les analytes (en vert) s’associent et se dissocient aux anticorps de la surface d’or. b) scan angulaire de la réflectivité. Le creux correspond à l’angle de Kretschmann. c) sensorgramme montrant l’augmentation de l’indice de réfraction lors de l’association et sa diminution lors de la dissociation.

Julien PROUST


 

Références 

[1] Yon, M., Pibourret, C., Marty, J. D., & Ciuculescu-Pradines, D. (2020). Easy colorimetric detection of gadolinium ions based on gold nanoparticles: key role of phosphine-sulfonate ligands. Nanoscale Advances, 2(10), 4671-4681.

[2] Mohseni, S., Moghadam, T. T., Dabirmanesh, B., Jabbari, S., & Khajeh, K. (2016). Development of a label-free SPR sensor for detection of matrixmetalloproteinase-9 by antibody immobilization on carboxymethyldextran chip. Biosensors and Bioelectronics, 81, 510-516.

[3] Arya, S. K., Singh, A., Naidoo, R., Wu, P., McDermott, M. T., & Evoy, S. (2011). Chemically immobilized T4-bacteriophage for specific Escherichia coli detection using surface plasmon resonance. Analyst, 136(3), 486-492.

[4] Riskin, M., Tel-Vered R. & Willner, I. (2010). Imprinted Au-Nanoparticle Composites for the Ultrasensitive Surface Plasmon Resonance Detection of Hexahydro-1,3,5-trinitro-1,3,5-triazine (RDX). Advanced Materials 22 (12), 1387-1391.

[5] Weber, P. C., Ohlendorf, D. H., Wendoloski, J. J., & Salemme, F. R. (1989). Structural origins of high-affinity biotin binding to streptavidin. Science, 243(4887), 85-88.

[6] Zohora, N., Kumar, D., Yazdani, M., Rotello, V. M., Ramanathan, R., & Bansal, V. (2017). Rapid colorimetric detection of mercury using biosynthesized gold nanoparticles. Colloids and Surfaces A: Physicochemical and Engineering Aspects, 532, 451-457.

[7] Takemura, K. (2021). Surface plasmon resonance (SPR)-and localized SPR (LSPR)-based virus sensing systems: Optical vibration of nano-and micro-metallic materials for the development of next-generation virus detection technology. Biosensors, 11(8), 250.

 

Pour aller plus loin

 

Les nanoparticules d’or pour détecter des pesticides dans l’eau potable
https://www.youtube.com/watch?v=Q0j5zP6zfwM
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Revue sur les nano d'or et leurs applications
 
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S095656632030364X?via%3Dihub


Revue sur les nanorods d'or

https://www.mdpi.com/2079-6374/10/10/146

Nanoparticules d'or pour les biocapteurs: lecture optique de la reconnaissance moléculaire

https://www.photoniques.com/articles/photon/abs/2021/01/photon2021106p39/photon2021106p39.html


Recherche du LRS sur les biocapteurs à base de nanoparticules d'or
http://www.lrs.upmc.fr/en/nanosurf-nanomaterials-surfaces-biointerfaces/publications.html

Nanoparticules d’or pour la détection du virus du covid19

https://www.iemn.fr/actualites/portrait-de-sabine-szunerits-equipe-nbi-nanobiointerfaces.html

www.nature.com/articles/s43856-022-00113-8


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